Au Pakistan, les Afghans s'empressent de monter dans des bus afin de regagner leur nation, craignant l'« humiliation » qu'ils pourraient subir lors d'un contrôle policier alors que les expulsions sont en augmentation, ce qui ravit une partie de la population locale qui accuse ces voisins d'être responsables de tous leurs problèmes.
D'après le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), à partir du 1er avril, 24.665 personnes originaires d'Afghanistan ont été rapatriées, parmi lesquelles 10.741 étaient en situation d'expulsion.
"Tout le monde s'inquiète, les gens disent que la police va faire des descentes", raconte Rahmat Ullah à l'AFP en embarquant dans un bus à Sohrab Goth, ancienne cité-dortoir de Karachi.
Dans ce quartier, où les taudis se sont multipliés au cours des décennies suivant l’exode rural et l’afflux de familles échappant à la guerre en Afghanistan, s’est toujours trouvé un refuge pour les Pachtounes parmi la grande métropole littorale.
Ici, que ce soit du Pakistan ou d'Afghanistan, ils ont la possibilité de travailler, de vivre, de se marier dans leur propre langue et parfois jusqu'à leur tribu respective. Le plus important est qu'ils puissent également gagner de l'argent.
À la fin de l'année 2023, lorsque le Pakistan a commencé ses premières opérations d'expulsion massive, suivies par la démolition des habitations, bon nombre de ces familles ont effectivement été renvoyées vers la frontière.
Obligés de tout abandonner
Mais cette fois, les rues de Karachi font l'objet d'une surveillance plus minutieuse et les arrestations ont un impact plus fort, selon des migrants et ceux qui les soutiennent.
D'ici 2025, jusqu'à 1,6 million d'Afghans pourraient être reconduits de force, estime l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
"Les personnes quittent volontairement, alors pourquoi les persécuter ?", s'indigne Abdul Chah Boukhari, l'un des dirigeants de la communauté afghane du coin.
Islamabad affirme avoir transmis des "directives précises" afin de "prévenir toute forme d'abus", mais Nizam Gull est parti sans attendre.
"Pour un père de famille, la chose la plus terrible serait que la police emmène les femmes hors de la maison, cela représenterait une telle honte, je préférerais plutôt en finir avec ma vie", affirme-t-il fermement.
Ghulam Hazrat, quant à lui, a nécessité cinq jours pour parcourir les 700 kilomètres de route séparant Sohrab Goth du poste frontière de Chaman, menant ainsi à sa province d'origine, Kandahar.
Nous avons été obligés de quitter notre maison et notre emploi, chaque jour nous subissions des intimidations, même pendant nos déplacements," explique ce conducteur poids-lourd de 45 ans à l’AFP, en compagnie de ses enfants qui, tout comme lui, ont récemment perdu leurs cartes de résidence.
Au début du mois d'avril, Islamabad a carrément annulé environ 800.000 cartes "ACC" qui avaient été émises en 2017 dans le but de légaliser la situation des ressortissants afghans.
Le terrorisme est issu de leur pays.
Pervaiz Akhtar, un enseignant universitaire de 55 ans, accueille avec joie cette nouvelle décision.
"On a tout fait pour eux" mais "ils se nourrissent ici, ils vivent ici et ils sont contre nous", affirme cet homme originaire du Pakistan.
"Ils sont responsables du terrorisme car il provient de leur territoire", insiste-t-il, en phase avec le gouvernement et les médias d’État qui, depuis plusieurs mois, condamnent les "organisateurs afghans" des attentats violents, qu'il s'agisse d'islamistes ou de sécessionnistes pakistanais opérant dans la région occidentale frontalière de l'Afghanistan.
Selon Maleeha Lodhi, l'ancienne haute fonctionnaire pakistanaise, "le calendrier et la méthode des these expulsions" sont extrêmement politiques.
C'est une part de la pression croissante exercée par le Pakistan sur les autorités talibanes car elles ne le rassurent pas concernant le TTP, explique-t-elle ; ce dernier est un groupe affilié aux talibans au Pakistan ayant été responsable du meurtre d'une multitude de policiers et de militaires cette année. Selon Islamabad, ces attaques sont menées à partir de camps avancés situés en Afghanistan.
« S’ils arrivent avec des visas, nous pourrons faire du business ensemble », ajoute Mohammed Chafiq, un marchand de 55 ans d'Islamabad.
Roubab Iffat, une étudiante de 19 ans, exprime sa compassion en disant : « Ils résident ici depuis plusieurs années, ils se considèrent comme étant à domicile ici désormais, et leurs enfants fréquentent déjà nos écoles. Il serait juste qu’ils bénéficient des mêmes droits que nous ». Elle souligne cela dans un pays où la citoyenneté est presque exclusivement accordée selon le principe du jus sanguinis.
Bien que l'hostilité soit évidente dans la capitale, elle gagne également le Khyber-Pakhtunkhwa, une province voisine à forte majorité pashtonique, caractérisée par des liens tribaux et familiaux étroits avec l'Afghanistan. La tension ne cesse de s'intensifier dans cette région.
À la tête de la province de Peshawar, les forces de police donnent maintenant leurs instructions depuis le haut des minarets.
juste avant la prière du soir, des officiers diffusent par les haut-parleurs des mosquées : "Tous les Afghans sont invités à regagner leur patrie", et aussi : "Aux propriétaires, veuillez mettre dehors les locataires d'origine afghane !"
Farhan Ahmad a également eu la visite des policiers à son domicile il y a quelques jours.
"Le policier viendra prochainement effectuer des perquisitions", explique ce propriétaire à l'AFP.
Donc, il est préférable de les informer qu'ils doivent s'en aller avant ces raids.